Situé dans le sud du Loiret, le château de la Bussière appartient à la même famille depuis 1814. En 2012, Laure et Bertrand Bommelaer reprennent la gestion du domaine familial en répondant aux nombreux défis économiques, sociétaux et environnementaux de notre époque.
Après avoir changé près de 24 000 ardoises du grand logis, une pièce de 220m2 est restaurée pour recevoir fêtes et séminaires. En 2019, ils décident de redonner un peu de chaleur aux vieilles pierres du château de la Bussière pour préserver ce patrimoine et le faire vivre.
Pour une lecture facilitée
Le froid et l’humidité
Depuis plus de 15 ans, le château n’est plus chauffé. Les réseaux des étages supérieurs ont été coupés et isolés. Des champignons se sont alors formés, attaquant les boiseries et les murs de la bâtisse. La remise en service du système de chauffage devient alors une priorité pour la sauvegarde des bâtiments.
Vers un peu de chaleur
À la Bussière, la préservation de la nature est une évidence. Ainsi le choix du système de chauffage s’oriente logiquement vers les énergies renouvelables et plus précisément vers la géothermie. En effet, le rendement énergétique est près de 4 fois supérieur à une installation au propane pour une réduction d’émission de CO2 de 80%.
Que doit-on chauffer ?
L’objectif est de chauffer pas moins de 860m2 sur 3 niveaux, ce qui équivaut à un volume de 3200m3 (8 à 9 maisons modernes de 150 m2).
Le RDC est réservé à la partie musée du château. Les radiateurs en fonte du début du XXème siècle, peu adaptés à la basse température du système géothermique, sont néanmoins gardés et remis en état pour conserver l’authenticité des lieux.
Les R+1 et R+2 sont, quant à eux, destinés à recevoir des chambres d’hôtes. Pour ces étages, de nouveaux radiateurs compatibles seront installés pour garantir une température de 19 °C.
Réduire les déperditions énergétiques
Dans cette logique de décroissance énergétique, ce projet va de pair avec la réduction des déperditions de chaleur du bâtiment. Ainsi, d’autres travaux sont en cours pour optimiser l’ensemble :
– remplacement/amélioration des menuiseries bois
– isolation des combles
– mise en place de ventilation double flux haute efficacité dans les futures chambres
Le système géothermique de la Bussière
Le choix technologique du chauffage s’est donc porté sur la géothermie, utilisée de façon non classique à la Bussière. Généralement, les tuyaux sont enterrés dans le sol; il faut alors retourner le terrain, et les plantations d’arbres ne sont plus possibles. De plus, le château étant entouré d’eau, ce choix parait compliqué.
Un des principes de la permaculture est de considérer le problème comme étant une solution.
Le château est au bord d’un étang de 6 hectares. Ainsi, le système géothermique sera utilisé non pas dans la terre mais au fond de l’eau. La profondeur y est d’environ 2m. La récupération de chaleur se fera à travers une boucle de 2km de tuyaux remplis de glycol à 30%. Quatre pompes à chaleur restitueront ensuite ces calories au système secondaire et ainsi de suite.
NB : À ne pas confondre avec l’aquathermie. Dans ce système, on utilise directement l’eau du milieu pour circuler dans l’installation primaire. Elle est ensuite restituée, refroidie, en amont de la source de prélèvement (dans un étang ou dans une nappe phréatique, par exemple).
Le financement
L’installation de ce nouveau système écologique requiert un investissement conséquent, près de 3 fois plus cher qu’une installation au propane. Cependant, certaines subventions sont attribuées pour promouvoir ces nouvelles technologies. Le domaine de la Bussière s’appuie ainsi sur 4 sources de financement :
– L’ADEME, agence de la transition écologique
– La FEDER, fonds européen de développement régional
– Le financement participatif via la plateforme Dartagnans
– Leurs fonds propres
Bien que Monuments Historiques depuis 1995, le projet de réfection du chauffage ne rentre pas dans le champ d’actions de la DRAC.
Néanmoins salutaires, ces subventions arrivent une fois les travaux commencés voire terminés. Il est alors nécessaire d’avancer les fonds.
La mise en œuvre
Les études en amont et la réalisation sont assurées par des entreprises locales.
Installation des tubes au fond de l’étang
Pour l’installation des tubes, l’étang a dû être complètement vidé. L’entrée du ruisseau le Vermisson a alors été fermée et il a fallu 3 semaines pour découvrir le fond de l’étang. La remise en eau s’est faite juste avant la réouverture théorique du domaine en avril de cette année.
Installation des pompes à chaleur
L’installation de tels équipements dans des bâtiments déjà construits est contrainte à la fois par la taille des pièces mais aussi par leurs ouvertures. C’est pourquoi au château, la pompe à chaleur est composée de 4 modules qui pouvaient passer par la porte !
Le ballon d’inertie
Un réservoir tampon est également mis en place entre les pompes à chaleur et le circuit de chauffage. Là encore la mise en place dans la salle en question s’est jouée à quelques millimètres près.
Remise en état de l’ancien circuit de chauffage
Le raccordement de la nouvelle installation avec l’ancien réseau nécessite une révision complète de ce dernier et non sans mal. La recherche de fuites est une part non négligeable à prendre en compte dans les délais de réalisations car nombreuses peuvent être les surprises sur une installation aussi ancienne et arrêtée depuis 15 ans.
Pour quels bénéfices ?
Le choix d’un système de chauffage avec des énergies renouvelables a plusieurs impacts :
– Avant tout écologiques, le gain de CO2 estimé pour ce projet (en comparaison d’une installation au propane) est de 49.6 tonnes/an soit 450900 km parcourus en voiture.
– Economiques : certes l’installation est plus onéreuse au départ. Cependant, une fois les subventions déduites, le retour sur investissement peuvent se faire en 2.5 ans.
– Une vitrine : les enjeux écologiques doivent faire partie des réflexions de tels projets. En montrant la faisabilité et la réussite de l’installation, de plus en plus d’initiatives similaires pourront à coup sûr voir le jour.
Comment démarrer un tel projet ?
Parce que le projet du château de la Bussière doit être un exemple dans la mise en œuvre de ce type de technologie, il n’est pas à reproduire tel quel dans vos propriétés. En effet, chaque domaine est unique, il devra répondre avant tout à vos besoins, qu’ils soient humains, écologiques et économiques. Voici quelques questions à se poser avant de démarrer votre réflexion (basées sur la méthodologie de la conception permaculturelle qui correspondent aux 4 première lettres de l’anagramme VOBREDIM)
NB : VOBREDIM correspond aux différentes étapes dans la mise en place d’un système permaculturel
V : vision
O : objectifs
B : bordures
R : ressources
E : évaluation
D : design
I : installation
M : maintenance